Les leçons d’un guide touristique à Matera : L’art de captiver sans PowerPoint
- marteljo

- 22 oct.
- 8 min de lecture

Imaginez une présentation sans diaporama, sans notes, sans écran. Juste un orateur, son public, et l’environnement comme seul support visuel. Impossible de captiver l’attention ? C’est pourtant ce qu’a réussi notre guide à Matera, la troisième plus vieille ville au monde après Alep et Jéricho. Pendant deux heures, il a tenu trente personnes en haleine, transformant des ruelles millénaires en salle de conférence.
Son secret ? Les mêmes techniques que les grands orateurs utilisent depuis l’Antiquité – et que vous pouvez appliquer dès votre prochaine présentation. Voici ce que j’ai observé.
Une masterclass improvisée dans les rues de Matera
Durant un voyage en Italie, j’ai eu la chance de visiter Matera, cette ville extraordinaire inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais plus que la ville elle-même, c’est le talent de notre guide qui m’a fasciné. Cet homme maîtrisait l’art de la présentation orale avec une aisance déconcertante.
Aucun PowerPoint à l’horizon. Pas de micro-casque dernier cri. Juste lui, quelques vieilles photos, et le décor spectaculaire de cette cité millénaire comme toile de fond. Et pourtant, chaque personne du groupe était captivée du début à la fin.
En tant que passionné de communication orale, j’ai pris des notes mentales tout au long de la visite. Ce guide appliquait instinctivement les principes fondamentaux d’une présentation mémorable.
Voici les dix leçons que j’en ai tirées.
1. Surprendre dès les premières secondes
« Matera est la troisième plus vieille ville au monde, après Alep et Jéricho. »
Cette phrase d’ouverture a immédiatement capté notre attention. Pourquoi ? Parce qu’elle brise nos attentes. La plupart d’entre nous n’avions jamais entendu parler de Matera, et voilà qu’on nous annonce qu’elle rivalise avec les plus anciennes cités de l’humanité.
Application pratique : Commencez votre présentation par un fait surprenant, une statistique inattendue ou une question provocante. Évitez les ouvertures plates du type “Aujourd’hui, je vais vous parler de…” Donnez-leur plutôt une raison d’écouter dès la première phrase.
Exemples :
« 85% des présentations professionnelles sont oubliées dans les 24 heures. Voici comment faire partie des 15%. »
« Et si je vous disais que votre plus grand atout en présentation n’est pas ce que vous dites, mais ce que vous ne dites pas ? »
2. Embrasser la simplicité visuelle
Notre guide n’avait pratiquement rien : quelques vieilles photographies en noir et blanc de Matera dans les années 1950, qu’il sortait de sa poche au moment opportun. Pas de diaporama surchargé, pas de graphiques complexes. Juste l’essentiel.
Le décor environnant servait de support visuel vivant. Il pointait une façade, une ruelle, une grotte transformée en habitation. L’authenticité du lieu parlait plus que n’importe quelle diapositive.
Application pratique : Demandez-vous : “Ai-je vraiment besoin de ce visuel ?” Souvent, moins c’est plus. Si vous utilisez PowerPoint, privilégiez les images puissantes aux listes à puces interminables. Laissez respirer vos diapositives. Et surtout, ne lisez jamais ce qui est écrit à l’écran – votre public sait lire.
3. Poser des questions pour créer l’anticipation
À chaque transition entre les quartiers de la ville, le guide lançait une question au groupe :
« Selon vous, pourquoi les habitants ont-ils accepté de vivre dans ces conditions pendant si longtemps ? »
« À votre avis, combien de personnes vivaient dans une seule grotte ? »
Cette technique est d’une efficacité redoutable. Le cerveau humain déteste les questions sans réponse. Une fois qu’une question est posée, notre esprit se met automatiquement en mode recherche. L’attention est maintenue parce que nous voulons connaître la réponse.
Application pratique : Intégrez des questions rhétoriques ou des questions directes entre vos grandes sections. Laissez quelques secondes de silence après avoir posé la question, ne vous précipitez pas pour y répondre. Ce suspense renforce l’engagement.
Exemples de transitions :
« Maintenant que nous avons vu le problème, quelle serait selon vous la solution idéale ? »
« Avant de vous révéler les résultats, devinez : que s’est-il passé ensuite ? »
4. Doser l’humour avec intelligence
Après nous avoir raconté l’histoire tragique de familles entières vivant avec leurs animaux dans des grottes insalubres, notre guide a allégé l’atmosphère avec une remarque personnelle pleine d’autodérision sur sa propre famille et leurs conditions de vie modestes dans son enfance.
L’humour, bien placé, crée une pause dans votre présentation. Il détend l’audience, humanise l’orateur et rend le message plus mémorable. Mais attention : l’humour doit être authentique et approprié.
Application pratique : »N’essayez pas d’être un comédien si ce n’est pas votre nature. Mais permettez-vous des moments de légèreté, des anecdotes personnelles amusantes, ou une touche d’autodérision. L’humour fonctionne particulièrement bien après des segments plus denses ou sérieux.
Erreur à éviter : Les blagues préparées et artificielles, ou les tentatives d’humour en ouverture si vous n’êtes pas sûr de votre coup.
5. L’anecdote qui authentifie votre propos
« J’ai rencontré Maria, une ancienne habitante des Sassi. Elle m’a raconté… »
Cette simple phrase a transformé une visite historique en histoire humaine. Le guide ne récitait pas des faits appris dans un livre, il partageait des témoignages qu’il avait personnellement recueillis. Sa crédibilité en était décuplée.
Application pratique : Chaque présentation devrait inclure au moins une anecdote vécue. Pas une histoire générique trouvée sur Internet, mais une expérience personnelle qui illustre votre propos. Cela vous différencie immédiatement et crée une connexion émotionnelle.
Structure d’une bonne anecdote :
- Contexte rapide (où, quand)
- Situation ou problème
- Action ou découverte
- Leçon ou résultat
- Lien avec votre message principal
6. Expliquer le “pourquoi” pour toucher aux valeurs
La question centrale de la visite était : “Pourquoi ces gens sont-ils restés si longtemps dans ces conditions difficiles ?” La réponse du guide : “Le sens de la communauté.”
Il nous a expliqué comment, malgré la pauvreté extrême, les habitants des Sassi partageaient tout, s’entraidaient, vivaient comme une grande famille élargie. Certains refusaient même de partir lorsque le gouvernement a voulu les reloger dans les années 1950.
En touchant à cette valeur universelle – le besoin d’appartenance et de communauté – le guide a transformé une leçon d’histoire en réflexion sur la nature humaine. Nous n’écoutions plus passivement, nous réfléchissions activement.
Application pratique : Ne vous contentez pas du “quoi” et du “comment”. Expliquez toujours le “pourquoi”. Reliez votre sujet à des valeurs humaines fondamentales : la famille, la liberté, la justice, l’innovation, la sécurité, l’accomplissement. C’est ce qui donne du sens et de la profondeur à votre message.
7. Répéter pour renforcer la compréhension
J’ai remarqué que notre guide répétait certaines informations clés trois ou quatre fois durant la visite, mais de manière différente à chaque fois. Il mentionnait l’année 1993 (inscription à l’UNESCO) au début, au milieu lors d’une explication, et à nouveau en conclusion.
Cette répétition n’était pas ennuyeuse parce qu’elle était contextualisée différemment à chaque fois. Elle servait à créer des fils conducteurs et à ancrer les informations essentielles.
Application pratique : Identifiez les 2-3 messages clés de votre présentation et trouvez des moyens naturels de les répéter tout au long de votre intervention.
Techniques de répétition non répétitives :
- La première fois : énoncez le concept
- La deuxième fois : illustrez-le par un exemple
- La troisième fois : montrez son application pratique
- La conclusion : synthétisez-le avec les autres points clés
8. Récapituler régulièrement pour maintenir la clarté
Après chaque quartier visité, le guide faisait une pause et récapitulait : “Nous avons donc vu le quartier du Caveoso, où vivaient les familles les plus pauvres, puis le Sasso Barisano, réservé aux artisans, et maintenant nous allons découvrir la ville moderne qui les surplombe.”
Ces récapitulations servaient de balises. Elles permettaient à ceux qui auraient décroché momentanément de se reconnecter au fil narratif, et à tous les autres de consolider leur compréhension de la progression logique.
Application pratique : Toutes les 10-15 minutes, faites un micro-résumé de ce qui vient d’être couvert. Cela rassure l’audience, structure mentalement l’information, et prépare la transition vers le segment suivant. Pensez à votre présentation comme à un voyage avec des étapes claires.
Formules de transition efficaces :
« Récapitulons rapidement ce que nous venons de voir avant de passer à… »
« Ces trois points que nous venons d’explorer – X, Y et Z – nous mènent naturellement à… »
« Gardez en tête ces éléments, car ils vont nous aider à comprendre ce qui suit… »
9. Maîtriser l’art de la pause
Notre guide ne parlait pas constamment. Régulièrement, il s’arrêtait et nous laissait simplement observer le paysage, ou absorber l’atmosphère d’une place ancienne.
Ces moments de silence n’étaient pas du temps perdu, mais du temps investi.
Ils permettaient à notre cerveau de traiter l’information reçue, de faire des connexions, et de créer des souvenirs visuels puissants.
Application pratique : N’ayez pas peur du silence. Les orateurs nerveux ont tendance à combler chaque seconde avec des mots, souvent des mots de remplissage (“euh”, “donc”, “voilà”). Les orateurs confiants s’accordent des pauses.
Utilisez le silence pour :
Laisser une idée importante résonner
Donner du poids à ce qui suit
Permettre à l’audience de réfléchir à une question
Reprendre votre souffle et votre concentration
Créer du suspense avant une révélation
Exercice pratique : Lors de votre prochaine présentation, forcez-vous à marquer une pause de 5 à 7 secondes après chaque idée majeure. Cela vous semblera une éternité, mais pour l’audience, c’est parfait.
10. Laisser transparaître votre passion
La leçon la plus importante n’est pas technique, elle est émotionnelle.
On sentait dans chaque mot, chaque geste, chaque intonation de notre guide qu’il adorait cette ville. Il y était né, il y avait grandi, et il avait choisi d’y rester pour la faire découvrir aux autres.
Cette passion était contagieuse. On s’enthousiasmait pour Matera parce qu’il s’enthousiasmait pour Matera.
Application pratique : Si vous ne ressentez aucune passion pour votre sujet, votre audience ne le ressentira pas non plus. Avant chaque présentation, reconnectez-vous à votre “pourquoi” personnel : Pourquoi ce sujet est-il important pour vous ? Qu’est-ce qui vous anime vraiment ? Quelle différence voulez-vous faire ?
La conclusion qui ancre le message
À la fin de la visite, notre guide n’a pas simplement dit “Merci et bonne journée”. Il a fait quelque chose de brillant : il nous a rappelé les trois points essentiels qui font de Matera un trésor reconnu par l’UNESCO.
Son ancienneté exceptionnelle (3ème plus vieille ville au monde)
Son architecture troglodyte unique (les Sassi)
Sa capacité à préserver un écosystème remarquable d’ingéniosité humaine
Cette récapitulation finale servait de point d’ancrage mémoriel. Des semaines plus tard, ces trois points me sont immédiatement revenus en tête.
Application pratique : Votre conclusion doit accomplir trois choses :
Synthétiser vos messages clés (maximum 3-4 points)
Renforcer pourquoi ces messages sont importants
Inspirer une action ou une réflexion
Structure de conclusion efficace :
« Ce qu’il faut retenir aujourd’hui, ce sont trois choses… »
« Si vous ne deviez garder qu’une seule idée de cette présentation… »
« Voici ce que je vous invite à faire dès demain… »
Erreur à éviter : Ne terminez jamais brusquement par “C’est tout” ou “Voilà, j’ai fini”. Ne vous excusez pas (“Désolé, j’ai dépassé le temps”).
Ce que vous pouvez appliquer dès maintenant
Cet homme, guide touristique dans une petite ville du sud de l’Italie, était un véritable maître de la communication orale. Il appliquait instinctivement les principes d’une présentation mémorable.
Voici ce que vous pouvez mettre en pratique dès votre prochaine présentation :
Avant votre présentation :
Trouvez votre fait surprenant d’ouverture
Identifiez vos 2-3 messages clés à répéter
Préparez une anecdote personnelle authentique
Simplifiez vos visuels (ou osez vous en passer)
Reconnectez-vous à votre passion pour le sujet
Pendant votre présentation :
Posez des questions pour créer l’anticipation
Faites des pauses conscientes après vos idées importantes
Récapitulez régulièrement pour maintenir la clarté
Insérez une touche d’humour approprié
Expliquez toujours le “pourquoi” derrière le “quoi”
Pour votre conclusion :
Récapitulez vos 3 points essentiels
Ne vous excusez pas et ne vous éparpillez pas
Terminez sur une note forte et inspirante
Si vous intégrez ne serait-ce que la moitié de ces techniques, vous remarquerez une différence immédiate. Votre audience sera plus attentive, plus engagée, et votre message restera plus longtemps dans les mémoires.
Vous marquerez les esprits, vous stimulerez de nouvelles conversations, et votre crédibilité sera reconnue. On vous réinvitera – et cette fois, vous saurez exactement pourquoi.
Et vous, quelle technique allez-vous expérimenter lors de votre prochaine présentation ?
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Merci d’avoir lu jusqu’ici 😉.
À très bientôt !




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